Afin d’approfondir la question de la place du chant grégorien dans la liturgie post concilaire, penchons nous sur ce que dit précisément la Présentation Générale du Missel Romain, édition 2002.
Les phrases parlent explicitement du chant sont mises en caractères gras, celles qui font référence au chant grégorien sont mises en rouge.
Une lecture attentive de ce document dont l’intégralité se trouve sur le site internet du Vatican est très interessante pour tous les acteurs de la musique (animateurs de chants, chorales).
Présentation Générale du Missel Romain, édition 2002. (Extraits)
L’importance du chant
39. L´Apôtre invite les fidèles qui se rassemblent dans l´attente de l´avènement de leur Seigneur, à chanter ensemble des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés (cf. Col 3, 16). Le chant est en effet le signe de l´allégresse du cœur (cf. Ac 2, 46). Aussi saint Augustin dit-il justement: « Chanter est le fait de celui qui aime »[48], et selon un proverbe ancien: « Bien chanter, c’est prier deux fois ».
40. On fera donc grand usage du chant dans les célébrations, en tenant compte de la mentalité des peuples et des aptitudes de chaque assemblée. S’il n’est pas toujours nécessaire, par exemple aux messes de semaine, de chanter tous les textes qui, par eux-mêmes, sont destinés à être chantés, on mettra tout le soin possible pour que le chant des ministres et du peuple ne soit pas absent des célébrations, les dimanches et fêtes de précepte.
Cependant, en choisissant les parties qui seront effectivement chantées, on donnera toutefois la priorité à celles qui ont plus d´importance, et surtout à celles qui doivent être chantées par le prêtre, le diacre ou le lecteur, avec réponse du peuple, ou qui doivent être prononcées simultanément par le prêtre et le peuple[49]
41. Le chant grégorien, en tant que chant propre de la liturgie romaine, doit, toutes choses égales d’ailleurs, occuper la première place. Les autres genres de musique sacrée, et surtout la polyphonie, ne sont nullement exclues, pourvu qu’ils s’accordent avec l’esprit de l’action liturgique et qu’ils favorisent la participation de tous les fidèles.[50]
Et comme les rassemblements entre fidèles de diverses nations deviennent de plus en plus fréquentes, il est nécessaire que ces fidèles sachent chanter ensemble, en latin, sur des mélodies assez faciles, au moins quelques parties de l´Ordinaire de la messe, notamment la profession de foi et l´oraison dominicale.[51]
Le chant d´entrée (l’introït)
47. Lorsque le peuple est rassemblé, tandis que le prêtre entre avec le diacre et les ministres, on commence le chant d´entrée (introït). Le but de ce chant est d´ouvrir la célébration, de favoriser l´union des fidèles rassemblés, d´introduire leur esprit dans le mystère du temps liturgique ou de la fête, et d´accompagner la procession du prêtre et des ministres.
48. Il est exécuté alternativement par la chorale et le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou bien entièrement par le peuple ou par la chorale seule. On peut utiliser ou bien l´antienne avec son psaume qui se trouvent soit dans le Graduale romanum soit dans le Graduale simplex; ou bien un autre chant accordé à l´action sacrée, au caractère du jour ou du temps, et dont le texte soit approuvé par la Conférence des évêques[55].
S’il n’y a pas de chant pour l´entrée, on fait réciter l´antienne que propose le Missel, soit par les fidèles, soit par certains d´entre eux, soit par un lecteur ou, autrement, par le prêtre lui-même, qui peut aussi l’adapter sous forme de monition d’ouverture.
Le Kyrie eleison
52. Après l’acte pénitentiel, on commence toujours le Kyrie eleison, à moins que cette invocation n´ait déjà trouvé place dans l’acte pénitentiel lui-même. Puisque c´est un chant par lequel les fidèles acclament le Seigneur et implorent sa miséricorde, il est habituellement exécuté par tous, le peuple, la chorale ou un chantre y tenant leur partie.
Chaque acclamation est ordinairement dite deux fois, mais cela n´exclut pas, en raison du génie des différentes langues, des exigences de l´art musical, ou en raison des circonstances, qu´on puisse la répéter davantage. Quand le Kyrie est chanté comme faisant partie de l’acte pénitentiel, on fait précéder d’un » trope « * chaque acclamation.
Le Gloria in excelsis
53. Le Gloria est une hymne très ancienne et vénérable par laquelle l´Église, rassemblée dans l´Esprit Saint, glorifie Dieu le Père ainsi que l´Agneau qu’elle supplie. On ne peut jamais remplacer le texte de cette hymne par un autre. Le Gloria est entonné par le prêtre ou, si cela est opportun, par un chantre ou par la chorale ; il est chanté soit par tous ensemble, soit par le peuple alternant avec la chorale, soit par la chorale elle-même. Si on ne le chante pas, il doit être récité par tous, ensemble ou par deux chœurs qui alternent.
On chante ou on dit le Gloria le dimanche en dehors de l´Avent et du Carême, aux solennités et aux fêtes, ou encore dans des célébrations particulières plus solennelles.
Le psaume responsorial
61. La première lecture est suivie du psaume responsorial qui fait partie intégrante de la liturgie de la Parole et a une grande importance liturgique et pastorale, car il favorise la méditation de la parole de Dieu.
Le psaume responsorial correspond à chaque lecture et se prend d’ordinaire dans le lectionnaire.
Il importe que le psaume responsorial soit chanté, au moins pour ce qui est de la réponse du peuple. Le psalmiste, ou chantre du psaume, exécute les versets du psaume à l´ambon ou à un autre endroit approprié, tandis que toute l´assemblée est assise et écoute; habituellement celle-ci participe par un refrain, à moins que le psaume ne soit dit de manière suivie, c´est-à-dire sans reprise d’un refrain. Cependant, pour que le peuple puisse plus facilement donner une réponse en forme de psalmodie, on a choisi quelques textes de refrains et de psaumes pour les différents temps de l´année ou pour les différentes catégories de saints, que l´on peut employer, au lieu du texte correspondant à la lecture, chaque fois que le psaume est chanté. Si le psaume ne peut pas être chanté, on le récitera de la manière la plus apte à favoriser la méditation de la parole de Dieu.
A la place du psaume marqué dans le lectionnaire, on peut chanter aussi le répons graduel du Graduale romanum, ou le psaume responsorial ou alléluiatique du Graduale simplex, tels qu´ils se trouvent dans ces différents livres.
L’acclamation avant l’Evangile
62. Après la lecture qui précède immédiatement l’Evangile, on chante l´Alléluia ou un autre chant établi par les rubriques, selon ce que demande le temps liturgique. Ce genre d’acclamation constitue un rite ou un acte ayant valeur en lui-même, par lequel l’assemblée des fidèles accueille le Seigneur qui va leur parler dans l’Evangile, le salue et professe sa foi en chantant. L’acclamation est chantée par tous debout, la chorale ou le chantre donnant l’intonation et, le cas échéant, on répète l’acclamation ; le verset est chanté par la chorale ou le chantre.
- L´Alléluia est chanté en tout temps en dehors du Carême. Les versets sont pris au lectionnaire ou au Graduale.
- Pendant le Carême on remplace l’Alléluia par un verset avant l’Evangile, qui se trouve dans le lectionnaire. On peut encore chanter un autre psaume ou « trait », tel qu’on le trouve dans le Graduale.
63. Quand il n´y a qu´une seule lecture avant l´Évangile:
- Au temps où l´on doit dire l´Alléluia, on peut employer soit le psaume alléluiatique, soit le psaume suivi de l´Alléluia avec son verset.
- Au temps où l´on ne doit pas dire l´Alléluia, on peut employer ou bien le psaume et le verset avant l´Évangile, ou bien le psaume seulement.
- Si on ne les chante pas, on peut omettre l´Alléluia ou le verset avant l´Évangile.
64. La séquence, qui est facultative sauf aux jours de Pâques et de la Pentecôte, est chantée avant l’Alléluia.
La préparation des dons
[…]
74. La procession qui apporte les dons est accompagnée par le chant d’offertoire (Cf. n. 37b) qui se prolonge au moins jusqu´à ce que les dons aient été déposés sur l´autel. Les normes qui concernent la manière d´exécuter ce chant sont les mêmes que pour le chant d´entrée (n. 48). Le chant peut toujours accompagner les rites de l’offertoire, même lorsqu’il n’y a pas de procession des dons.
La Prière eucharistique
78. C´est maintenant que commence ce qui est le centre et le sommet de toute la célébration: la Prière eucharistique, prière d´action de grâce et de sanctification. Le prêtre invite le peuple à élever les cœurs vers le Seigneur dans la prière et l´action de grâce, et il se l´associe dans la prière qu´il adresse à Dieu le Père par Jésus Christ dans l’Esprit Saint, au nom de toute la communauté. Le sens de cette prière est que toute l´assemblée des fidèles s´unisse au Christ dans la confession des hauts faits de Dieu et dans l´offrande du sacrifice. La Prière eucharistique exige que tous l’écoutent avec respect et en silence.
79. On peut distinguer comme suit les principaux éléments qui forment la prière eucharistique :
- L´action de grâce (qui s´exprime surtout dans la préface) : le prêtre, au nom de tout le peuple saint, glorifie Dieu le Père et lui rend grâce pour toute l´œuvre de salut ou pour un de ses aspects particuliers, selon la diversité des jours, des fêtes ou des temps.
- L´acclamation: toute l´assemblée, s´unissant aux puissances d’en haut, chante le Sanctus. Cette acclamation, qui fait partie de la Prière eucharistique, est prononcée par tout le peuple avec le prêtre.
La fraction du pain
83. Le prêtre rompt le pain eucharistique, aidé, le cas échéant, par le diacre ou un concélébrant. Le geste de la fraction, accompli par le Christ à la dernière Cène et qui a donné son nom à toute l’action eucharistique à l´âge apostolique, signifie que les multiples fidèles, dans la communion à l´unique pain de vie, qui est le Christ, mort et ressuscité pour le salut du monde, deviennent un seul Corps (1 Co 10, 17). La fraction commence après le rite de la paix, et se fait avec le respect qui s’impose, en évitant de le prolonger sans nécessité ou de lui donner trop d’importance. Ce rite est réservé au prêtre et au diacre.
Le prêtre rompt le pain et met dans le calice une parcelle de l’hostie pour signifier l’unité du Corps et du Sang du Seigneur dans l’œuvre du salut, c’est-à-dire le Corps du Christ Jésus vivant et glorieux. L’invocation Agnus Dei (Agneau de Dieu) est ordinairement chantée par la chorale ou le chantre, et le peuple y répond, ou bien elle est dite à haute voix. Cette invocation accompagne la fraction du pain et peut donc être répétée autant de fois qu´il est nécessaire jusqu’à ce que le rite soit achevé. La dernière fois, elle est conclue par les mots: dona nobis pacem (donne-nous la paix).
La communion
[…]
86. Pendant que le prêtre consomme le Sacrement, on commence le chant de communion pour exprimer par l´unité des voix l´union spirituelle entre les communiants, montrer la joie du cœur et mettre davantage en lumière le caractère « communautaire » de la procession qui conduit à la réception de l’Eucharistie. Le chant se prolonge pendant que les fidèles communient[74]. Mais il s’arrêtera au moment opportun s’il y a une hymne après la communion.
On veillera à ce que les choristes aussi puissent communier commodément.
87. Pour le chant de communion, on peut prendre soit l´antienne du Graduale romanum, avec ou sans psaume, soit l´antienne avec son psaume du Graduale simplex, ou un autre chant approprié approuvé par la Conférence des évêques. Le chant est exécuté soit par la chorale seule, soit par la chorale ou le chantre avec le peuple.
S´il n´y a pas de chant, l´antienne proposée dans le Missel peut être dite soit par les fidèles, soit par quelques-uns d´entre eux, soit par un lecteur ou, à défaut, par le prêtre, après avoir lui-même communié et avant qu’il ne distribue la communion aux fidèles.
Notes:
[48] Sermon 336, 1 : PL 38, 1472.
[49] Cf. S. Cong. des Rites, Instr. Musicam sacram, nn. 7, 16 : DC 1490 (1967), 498, 500 ; Ordo cantus Missae, 1972, Préliminaires.
[50] Cf. Const. lit., n. 116 ; cf. aussi n. 30.
[51] Cf. Const. lit., n. 54 ; S. cong. des Rites, Instr. Inter Oecumenici, n. 59 : DC 1435 (1964), 1369 ; Instr. Musicam sacram, n. 47 : DC 1490 (1967), 506.
[55] Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Dies Domini, du 31 mai 1998, n. 50 : DC 2186 (1998), 670.
[74]Cf.
S. Cong. pour les Sacrements et le Culte divin, Instruction Inaestimabile donum, du 3 avril 1980, n. 17 : DC 1789 (1980), 643.